• Sem7- Collectif et individualité...

     Collectif et individualité...Trouver sa place

    Découvrir un univers bien différent du nôtre en cherchant à aller un peu au-delà  du regard extérieur n’est pas si facile.

    La mégapole depuis Mori Tower, qui offre un bel observatoire (mieux de nuit...)

    Collectif et individualité – Trouver sa place

    La position de ‘touriste’ n’est guère favorable, car elle ouvre d’emblée des manières d’ interagir avec la société japonaise qui sont très biaisées. D’autant plus que, malgré la mondialisation, la culture insulaire -aux frontières marquées- reste très présente : il suffit de regarder le marché interne de l’automobile au moins à 90 % japonais, ou bien le flux d’étrangers au Japon, encore en chute depuis 2012. Lorsque vous êtes touristique étranger, vous bénéficiez d’emblée d’un a priori positif et d’une posture exotique, qui se révèle presque toujours bien agréable : à Tokyo, votre gros guide touristique à la main est un passeport pour que les uns ou les autres tentent de tester un peu leur anglais dans le métro ou ailleurs…

    Il est donc très intéressant de pouvoir partager d’autres postures et situations de vie, autour de la pratique partagée d’un Art, ou bien professionnellement.

    Je n’ai vécu l’exercice professionnel que dans un seul contexte, il est donc difficile d’en tirer des traits généraux. Il m’a cependant semblé qu’une des différences majeures avec l’Europe est la manière dont nous construisons et vivons les interactions. Au Japon, dans le quotidien, une attention constante est prêtée à l’autre, à le respecter et à créer un environnement harmonieux, avec un sens du service à l’autre qui est remarquable et touchant. En même temps, dans le travail collectif, les interactions et le travail en commun ou encore la résolution collaboratives des problèmes me semblent moins présents. Tout comme s’il s’agissait d’une coordination entre des individualités séparées, plus que d’une réelle intégration dans un collectif collaboratif. Il est notable d’ailleurs que les étudiants japonais ont une très faible culture du questionnement : questionner l’enseignant, questionner le sujet, apporter de la contradiction pour se l’approprier, tout ceci semble plutôt poser problème…alors que la France est au contraire marquée par une forte propension à la contradiction…

    De mon expérience actuelle du monde professionnel, la solitude est fortement présente, sans doute pas ressentie avec un regard négatif propre à l’occident, mais par le fait que chacun semble avoir sa propre place, sa propre tâche, chacun assumant cela en coordination avec les autres, mais donc avec une priorité à la sphère individuelle bien délimitée plus qu’à une réelle dynamique insufflée par l’esprit collectif. Les interactions ont une fonction mais, dans le rythme professionnel, ne sont pas vécues pour le simple plaisir. D'autres moments sont par contre pleinement consacrés à la convivialité.

    Chacun semble avoir sa place. Trouver sa place dans le collectif et la société semble être un point important du comportement social.

     Vue de Tokyo, par temps de pluie

    Collectif et individualité – Trouver sa place

    Le monde des transports collectifs, à Tokyo, est un espace particulier pour ressentir ce dialogue entre individualité et collectif. Il faut savoir que dans cette mégalopole, même si on peut évoquer la solitude, vous ne serez jamais seul…même si vous restez bloqué au bout de la ligne de RER à 2h du matin, après la fermeture de la ligne qui pourrait vous ramener chez vous.

    Dans les transports en commun, il y a par exemple ces moments uniques, aux heures de pointe où vous arrivez, quelques étages sous terre, dans un couloir central de la gare de Shinjuku qui relie l’est et l’ouest de cet espace immense, et où des milliers de personnes transitent exactement au même moment que vous d’Est en Ouest. La première fois que vous vivez cette scène, elle présente quelque chose de déconcertant. Sans doute, en Europe, la bousculade serait là, les uns et les autres cherchant à avancer plus vite, à se faufiler, à accélérer encore pour répondre à la pression du quotidien qui nous attend chaque matin au bout de la ligne de métro : tout ceci est complètement absent ici. Ce sont 6 lignes en file indienne bien organisées à droite dans un sens, quatre lignes en file indienne bien organisées à gauche dans l’autre sens, tout le monde avance à la même allure calme et simplement efficace au vue de la foule réunie ici ; et surtout, surtout…dans un silence unique et déstabilisant. Pas un bruit pour déranger l’autre, simplement une foule constituant une unité qui progresse ensemble, où chacun a trouvé sa place et la respecte en respectant ainsi l’autre, où chaque personne peut aussi rester dans sa propre concentration personnelle sans être dérangée outre mesure par les bruits aux alentours. C’est une sensation difficile à partager…mais bien particulière.

    Collectif et individualité – Trouver sa placeCollectif et individualité – Trouver sa place

     

     

     

     

     

    Collectif et individualité – Trouver sa place

    Il a donc ce collectif, constitué de la coordination de ces individualités dont l’espace propre doit être respecté.

    Mais, l’individualité reste aussi présente. Là aussi, un évènement impossible en occident…que vous pourrez vérifier sur les chaines d’information. Dans des régions plus extrêmes du Japon (je pense que c’est en Hokkaïdo) certaines lignes de transports collectifs méritent au contraire d’être fermées faute de suffisamment de passagers. C’était le cas de l’une d’entre elle, mais avec les difficultés individuelles que cela peut créer ! Notamment pour cette étudiante qui n’avait pas fini son lycée et ne pouvait plus continuer ses études, compte tenu du long voyage devenu impossible à réaliser en l’absence de train. La décision fût simple : maintenir la ligne de train pendant 3 an pour un seul passager, jusqu’à la fin des études ….Serait-ce réellement une possibilité considérée chez nous ? Mon propos n’est pas d’en juger, mais de souligner le signe d’une culture qui fonctionne différemment…

    Le dialogue, donc, entre collectif et individualité. Il me semble l’avoir mieux compris un matin, de bonne heure, dans l’un de ces trains de banlieue bondé de personnes, où encore une fois j’étais surpris par la qualité du silence. J’avais un peu révisé mon cours hebdomadaire de japonais, puis je m’étais décidé à m’assoupir un peu. Et j’ai pu goûter la réelle qualité de ce silence qui, loin d’être vide, me fournissait un vrai espace de vie, me permettait de choisir moi-même la manière de construire ce moment, me permettait de construire mes propres frontières individuelles. Les temps de transports collectifs deviennent ainsi des réels moments où chacun recrée un réel espace de vie personnel, dans le respect mutuel : ce n’est pas l’arrivée des téléphones portables qui auraient coupé les japonais de la communication extérieure avec les autres, c’est plutôt une culture différente de la relation entre l’espace personnel et l’espace collectif, dans laquelle le téléphone portable (Keitai) a juste trouvé sa place de manière cohérente.

     Il n’en reste pas moins que l’omniprésence de ces keitai et les modes réduits d’interactions entre ces espaces individuels constituent une différente troublante par rapport à la culture occidentale…

    Photo de jardin Zen par G. Jaumotte (merci Geneviève...).

    "Nulle fleur, nul pas ; Où est l'homme ? Dans le transport des rochers, dans la trace du râteau, dans le travail d'écriture" R. Barthes.

    Collectif et individualité – Trouver sa place


  • Commentaires

    1
    Geneviève/ kizou
    Dimanche 21 Février 2016 à 10:11

    Ton écrit fait écho au livre que je suis en train de lire: "La fascination du japon, idées reçues sur l'archipel japonais" de Philippe Pelletier. C'est la deuxième édition revue et augmentée. A la page 142, l'auteur nous parle du keitai denwa téléphone portable et nous dit que depuis 1980, 80 % de la population s'est doté d'un portable.

    Il est très rare que je lise un livre qui ne soit pas de la fiction.

    Je suis ainsi rentrée de "lune et l'autre" avec un roman "soleil"Nichirin" de Yokomitsu Riichi ( 1924). Il était l'ami de jeunesse de Kawabata.

    Enfin "les délices de Tokyo"( "An") que j'ai enfin vu m'a fait découvrir une autre facette surprenante de ce pays. Il faudra que tu le vois Xavier, je ne t'en dis pas davantage.

    Ciel très bleu ici et température douce , 10 degrés à 1500 mètres m'a dit l'expert Antoine.

    Amitié,

    Geneviève

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