• Sem12-Education et Raffinement

    Il faudrait sans doute beaucoup plus de temps et d’approfondissement pour aborder la question de la place de l’éducation dans la société Japonaise. Mais me voici à mi-chemin de ce séjour : peut-être un bon moment pour effleurer cette question ?

    Lanterne à neige Japonaise - Shiba Rikyu Koen - Tokyo

    Sem12-Education et Raffinement

    Le peuple japonais est très éduqué.

    La notion d’éducation semble tenir une place bien particulière dans cette société.

     L’éducation est éducation des comportements…dans tous les gestes du quotidien. J’ai déjà évoqué un certains nombres de ces aspects, notamment une sorte d’attention constante à l’autre. Cela se manifeste très clairement dans un sens profond du service, perçu facilement par le touristique qui se trouve d’emblée dans ce type de situation. Pour les touristes à plus long terme il est des situations de services plus originales… Au bout de trois mois, malgré la difficulté du japonais, j’ai dû me lancer dans l’aventure du coiffeur! Un peu risqué non ? Allez donc expliquer à votre coiffeuse que vous voulez la mèche de ce côté et les bouclettes pas trop épaisses de l’autre ! Bon je vous rassure, finalement je n’ai pas opté pour l’option ‘bouclettes’. Malgré tout, non seulement bien des valeurs sont inversées entre orient et occident, mais également des postures : ainsi pour le champoing, au lieu de vous retrouver allongé tête en arrière les yeux au ciel, vous vous retrouvez assis, courbé en deux, les yeux vers le sol, la tête dans une cuvette, la nuque bien dégagée…dans une posture qui évoque un peu au bon franchouillard ce qui était finalement arrivé au malheureux louis XVI et à son épouse ! Passée cette émotion, la coiffeuse prend les choses en mains…ou, plutôt que les choses, votre tête. Et c’est là que nous en venons à l’éducation. L’éducation qui passe par le moindre geste. Gestes extrêmement précis, d’une douceur remarquable, dans une écoute et une perception permanente du client (j’allais dire de aite…), très efficace, exactement ce qu’il faut sans manque ni sans excès, pas une goutte d’eau dans les yeux (ni dans les oreilles du reste !), pas le moindre accro du peigne sur le cuir chevelu, pas le moindre étirement de cheveux sous le coup de ciseau, …pas un cheveu de reste sur les vêtements ou les chaussures. L’éducation dans les actes du quotidien….

     Mont Takao

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    Plus quotidien encore l’éducation est également éducation du goût. J’ai déjà évoqué la cuisine japonaise qui ne bascule jamais dans l’excès, mais construit au contraire dans la retenue et la recherche du bon équilibre. Mais, au-delà des mets, l’art d’apprécier et de déguster est également très présent. Il s’agit, là-aussi, d’un apprentissage qui requiert d’acquérir des comportements adéquats (merci à mes aides locales…). Là encore aucun excès, chaque bouchée mérite d’être appréciée. Le goût prend le temps de se développer, doit s’apprécier dans sa profondeur et dans sa délicatesse. Pas nécessairement prédéfini, il résulte de l’assemblage délicat de différents goûts qui peut rester de votre responsabilité. Manger se dit plutôt ‘déguster’, dans la constance du raffinement, de la délicatesse, de la retenue. La plupart du temps, l’européen non averti pêchera par bien des excès !

     Le sens de l’éducation fait partie intégrante des Arts japonais, l’Aïkido évidemment, mais pas spécifiquement : tous les arts japonais sont concernés. Tous les Aïkidokas le savent bien sûr, mais en pratiquant au Japon le ressenti est différent, et difficile à expliquer. Un peu comme si l’intention même des pratiquants était beaucoup plus dégagée de la recherche d’un but précis (progression technique ou autre), comme si, plus simplement, la priorité était donnée avec humilité au fait se trouver dans ce chemin d’éducation, par la pratique. Dans un Dojo tel que celui de Tada Shihan, le reigisaho est éclatant, l’attitude et l’état d’esprit des pratiquants également. Par exemple, sans aucune ostentation, mais dans un état d’esprit très simple et très sain orienté vers misogi, les premiers saluts démarrent au temple dans le jardin extérieur ; pour entrer dans le dojo non seulement on enlève les chaussures mais on enlève manteaux et sacs : tous les fardeaux sont déposés pour entrer dans un ailleurs. Et, si vous avez l’occasion de venir découvrir par vous-mêmes, bien d’autres aspects contribuent encore à ce reigisaho. Par sa présence et sa forme d’enseignement, Tada Shihan tente en permanence d’amener ses élèves à un travail d’éducation au-delà de la technique physique, tout en utilisant le corps et la technique comme outil de travail : c’est le propre de l’Aïkido, pleinement incarné à Gessoji.

    Démonstration au Budokan                                         Entrée du Budokan

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    Parmi les arts japonais, l’un des sommets de raffinement réside dans l’art du quotidien incarné par les Geisha. On peut sans doute considérer cet art comme un réel témoignage de l’éducation japonaise : l’ensemble de cet apprentissage me semble être orienté pleinement vers l’éducation du comportement. L’école de formation des Geisha est encore bien vivante à Kyoto, ce lieu où modernité et traditions cherchent un équilibre particulier. Les Geishas développent le raffinement de la culture quotidienne sous des formes très variées et artistiques. Parées de leurs atours les plus fins, teint blanchit depuis les épaules jusqu’aux racines de cheveux, marchant avec zoris ou geitas, elles sauront jouer à merveille des instruments traditionnels, donner des représentations théâtrales dans une forme d'expression des plus codées au Japon, ou encore s’entretenir de manière très raffinée sur bien des sujets. Le maintien vivant de ces traditions anciennes me semble bien témoigner de certaines de nos différences culturelles.

     Ce sens omniprésent de l’éducation des comportements (uniquement ?) ouvre sans doute également des débats intéressants, par exemple sur le poids du formel, de la règle, du rituel et sur la manière dont se construit la spontanéïté, la liberté, le contact avec l’expression directe de la vie telle qu’elle se présente à nous. Débat à poursuivre…

    Rituel dans la société japonaise - Autel bouddhiste. Au premier plan, le coffre pour recevoir les aumônes de tous les passants.

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  • Commentaires

    1
    Geneviève/ kizou
    Dimanche 27 Mars 2016 à 18:50

    Geisha, personne d'art...cela m'évoque "les musiciens de Gion" de Mizoguchi, 1953. Sa  sœur a été vendue par son père violent, pour être geisha. Ozu a eu une liaison avec l'une d'entre elles. Il en parle dans ses carnets.

    Ces dames se maquillent, leur kimono est décolletée dans le cou où apparaissent deux triangles naturels de peau non maquillée. Enfin elles ont un mentor ou mécène car leurs magnifiques kimonos sont très , très chers

    Du côté des saules et des fleurs par Nagai

     (花柳界, karyūkai: des saules et des fleurs.)

    Le débat éducation, usages, rituels opposé au naturel, spontanéité, expression est riche. Les japonais rient-ils???

    Printemps ici, crocus, jonquilles, aubépines...

     

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