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    La présence de la Nature semble s’inscrire dans le quotidien de la vie japonaise : les japonais aiment les plantes et les fleurs et maintiennent ce contact, avec bien sûr par les matsuris du printemps (hana-matsuri dans les jardins en fleurs) mais aussi par une multitude de petits jardins se réduisant parfois à leur expression la plus simples sous forme de quelques potées disposées au pied de la porte.

    Tokyo - Extérieurs du palais impérial.

    Sem15-Jardins humides, Jardin secs…

    La Nature s’inscrit dans l’histoire : bien des lieux naturels, que ce soient des jardins, des onsens, ou même simplement des arbres multi-centenaires ou millénaires ont marqué l’histoire et s’inscrivent aujourd’hui dans le patrimoine historique mis en valeur par le pays. Elle s’inscrit dans l’expression artistique : ainsi les jardins paysagers japonais sont devenus un langage à part entière très formalisé élevé au rang l’Art traditionnel. Cette présence s’inscrit enfin dans la spiritualité où la nature paraît presque indispensable en association à tout lieu spirituel qu’il soit shintoïste ou bouddhiste et où le jardin zen exprime l’essence de la recherche spirituelle et constitue en lui-même un outil pour le cheminement personnel, tout au moins pour le moine qui le longe en méditant.

    Kyoto - Temples et Nature.

     

     Sem15-Jardins humides, Jardin secs…Sem15-Jardins humides, Jardin secs…

     

     

     

     

     

     

    Kyoto - RyoanJi, jardin japonais extérieur.

    Sem15-Jardins humides, Jardin secs…

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Le jardin japonais semble lieu d’éducation (par son langage paysager) et lieu de calme (par la frontière qu’il apporte vis-à-vis du mouvement extérieur) ; il est lieu qui semble avoir été dessiné en contraposée à l’agitation de l’activité quotidienne, pour que la vie se manifeste de manière harmonieuse et ré-équilibrante. Bien des villes japonaises, a fortiori Tokyo, sont marquées par un flux constant de personnes et d‘activités induit par des concentrations importantes de population. Au sein de ce mouvement continu, le jardin japonais créé un nouvel espace : il offre le vide. En l’espace de quelques mètres vous quittez l’atmosphère urbaine habituelle et le jardin vous plonge immédiatement dans une autre facette de la vie, permettant peut-être de se reconcentrer vers l’essentiel. Puis, au fur et à mesure que vous entreprenez la balade, la composition du jardin en lui-même apporte sa contribution reconstituant et évoquant parfois de manière condensée des océans ou zones montagneuses plus vastes, construisant le parcours avec une constante harmonie, un constant jeu sur les impressions et les perceptions : le jardin japonais devient sensation et créé le dialogue intérieur avec vous-mêmes.

    Kyoto - RyoanJi, jardin zen par excellence.

    Sem15-Jardins humides, Jardin secs…

     

     

     

    Expression d’une société qui, par bien des manières, cherche le chemin pour sublimer le quotidien dans un travail d’épure constant, la conception des jardins japonais est devenue un art à part entière. Un art qui travaille sur une matière en vie, où l’œuvre est en constante évolution au fil des jours et des saisons : il est touchant d’observer le travail du jardinier qui, jour après jour, n’aura pas de répit dans ses tâches constantes d’entretien, afin de transmettre l’œuvre (établie pour des centaines d’année) au-delà de lui-même, dont la vie sera beaucoup plus éphémère que celle du jardin. Dans leur expression aboutie, ces jardins sont le résultat du cheminement de vie de l’artiste créateur, dont les fruits s’inscrivent de manière pérenne dans le patrimoine culturel reconnu par le peuple japonais : à ce titre, quelques soient les mouvements éphémères qui les parcourent, les jardins sont maintenus au fil des siècles dans leur expression la plus pure et la plus proche de l’œuvre initiale, permettant un dialogue culturel de génération en génération. En témoignent aussi les nombreuses visites de groupes de lycéens dans ces lieux historiques.

     

      Kyoto - Jardin Japonais - Temple Shoren In

    Sem15-Jardins humides, Jardin secs…

     

    Le jardin Zen, constitue une classe particulière de jardins japonais. Dénommés karesansui, généralement traduit par ‘jardin sec’, ils s’expriment sur des espaces réduits jouxtant le hall principal de certains temples bouddhistes. Ils se composent principalement de rochers, pierres, graviers et parfois d’éléments naturels tels que les mousses et des arbres au format de Bonzaï. Le jardin zen, associé au lieu de prière et de cérémonie, rappelle bien sûr l’atmosphère méditative des cloîtres méditatifs des monastères européens. Même au sein d’une foule de touriste, vous asseoir à Ryoan-ji auprès de l’océan figuré par cette mer de gravier si plane, et ondulée  par le maître mouvement du rateau zen, créé immédiatement un sentiment profond d’intériorisation qui contribue sans doute, pour le moine, au vide intérieur de la pratique zazen.

     

     Kyoto - Jardin Japonais - Temple Shoren In

    Sem15-Jardins humides, Jardin secs…

     

    Il est remarquable de ressentir à ce moment combien l’œuvre artistique interagit concrètement avec l’observateur. Quelques explications très personnelles (et restant entièrement à vérifier…) sur la symbolique : les espaces de graviers représentent bien souvent l’océan qui, dans la tradition bouddhiste évoque le chemin à parcourir dans notre vie humaine entre le samsara du quotidien et le nirvana de l’état de bouddha (symbolique du mouvement Ameno Tori Fune pratiqué en Aïkido); de même, il représente également notre propre esprit dont la vraie nature est marquée par un calme profond -si bien évoqué par cette mer de gravier- mais qui se trouve soumis à l’agitation de l’activité émotionnelle et mentale continue du quotidien (représentée par l’émergence de ces rochers et des vaguelettes les entourant, qui troublent la quiétude de l’ensemble). Comme dans la vie, les rochers sont bel et bien présents et l’harmonie est retrouvée lorsque ces vaguelettes de perturbations s’évanouissent rapidement dans l’océan de calme. Le travail d’arrêt des pensées, pratiqué lors de zazen, constitue une méthode pour créer et stabiliser cet état intérieur. 

     

    Quelques précisions techniques sur les jardins :

     

    • shizen fūkeishiki, les jardins qui représentent la nature en miniature ; une variante courante de cette classification utilise le terme tsukiyama ( « colline artificielle »).
    • karesansui, les jardins secs, fortement inspirés par le bouddhisme zen et destinés à la méditation. Ils utilisent une représentation plus abstraite, où du sable ou du gravier figure la mer, et des rochers (parfois entourés de mousse) symbolisent des montagnes, des cascades ou des bateaux.
    • chaniwa, les jardins de thé, comprenant des chemins paysagers  menant à une maison de thé, portés sur une simplicité extrême.

    Kyoto - Temple Kiyomizudera

    Sem15-Jardins humides, Jardin secs…

     

    On distingue également trois niveaux de formalisme : shin (formel), gyō (mi-formel) et (informel et simple), d’après une distinction venue de la calligraphie. Les niveaux s’appliquent au jardin tout entier, mais aussi à chaque élément. Par exemple, un passage de pierres taillées, alignées et serrées est shin, alors qu’un passage de pierres naturelles, disposées irrégulièrement et espacées, est .

    Nara - Temples...et cerfs

     

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